La vie de Jack

John Gilbert Layton est né à Montréal et a grandi non loin de là, à Hudson au Québec. Premier d’une fratrie de quatre, il est le fils de Doris et du député progressiste conservateur Robert Layton.

Lorsque ses parents cherchèrent à accroître la participation des jeunes d’Hudson à l’école du dimanche, Jack, alors âgé de 14 ans, aida à changer le programme et fit salle comble presque toutes les semaines.

Même adolescent, Jack sut prendre l’initiative. Il fut élu président du conseil des élèves à l’école secondaire Hudson High School. En 1969, il se fit élire en tant que premier ministre du Parlement jeunesse du Québec avant de prendre la tête de l’Association des étudiants des cycles supérieurs de l’Université York, où il obtint sa maîtrise et son doctorat. Il s’impliqua aussi dans la politique municipale.

Jack savait faire preuve d’engagement en matière d’équité et d’écoute pour ceux qui traversaient des moments difficiles. Son passage à l’université McGill fut l’occasion de développer davantage ces qualités. Le philosophe politique et professeur Charles Taylor de l’université McGill fut une grande inspiration pour Jack et le poussa à jouer un rôle actif dans de nombreuses causes, dont la défense du français et l’accès au logement pour tous. Jack enseigna ensuite à l’Université X, à l’Université York et à l’Université de Toronto.

Jack se maria à son amour de jeunesse avec qui il resta marié 14 ans et eut deux enfants, Mike et Sarah.

Jack décida de se joindre au NPD après avoir écouté le discours de Tommy Douglas dénonçant la décision de Pierre Elliott Trudeau de promulguer la Loi sur les mesures de guerre durant la crise d’octobre, ce que Douglas jugeait démesuré. C’est en 1970 que Jack signa sa première carte de membre du NPD.

Ne refusant jamais un défi, Jack se présenta aux élections du conseil municipal de Toronto et malgré ses minces chances de victoire, il fut élu conseiller municipal en 1982. Lors des deux décennies qui suivirent, Jack se démarqua dans le monde de la politique municipale à Toronto comme une voix forte et un allié indéfectible des gens ordinaires, de l’accès au logement et de la protection de l’environnement. Layton fut élu président de la Fédération canadienne des municipalités en 2001.

Jack rencontra Olivia Chow en 1985. Comme il le dit lui-même, « je suis tombé amoureux d’Olivia en quatre nanosecondes. Je ne savais pas trop dans quoi je me lançais, mais je savais que c’était le coup de foudre ». Jack et Olivia se marièrent en 1988 et furent inséparables par la suite. Que ce soit dans leur militantisme, en politique municipale et fédérale ou dans la vie de tous les jours, ils vécurent chaque jour et chaque défi ensemble.

Reconnaissant qu’une trop grande partie des responsabilités de la lutte contre la violence faite aux femmes incombait aux femmes, Jack cofonda en 1991 la Campagne du ruban blanc afin d’encourager les hommes à prendre leurs responsabilités et à mettre fin à la violence des hommes envers les femmes.

En 2003, Jack fut élu chef du NPD du Canada au premier tour. Aux élections fédérales suivantes, il fut élu député fédéral dans la circonscription électorale de Toronto-Danforth. Sous sa direction, le NPD quadrupla son nombre de députés au cours des quatre élections qui suivirent, passant ainsi de 13 députés à 103 députés. Ce nombre représente encore aujourd’hui le plus grand total de députés fédéraux du NPD à siéger à la Chambre des communes.

Jack ne passa pas un jour sans démontrer sa passion, sa détermination et son talent. Sachant aussi bien créer des liens que se battre, Jack n’a jamais oublié pourquoi il s’était investi dans la vie publique. Cela ne passa pas inaperçu et cela l’aida à faire du NPD une réelle solution de rechange politique au Canada, transformant du même coup le paysage politique et donnant espoir à des millions de Canadiens.

En 2005, Jack exerça son influence sur le gouvernement minoritaire de Paul Martin afin de modifier le budget. Il réussit à redistribuer 4,6 milliards de dollars de cadeaux fiscaux faits aux entreprises au profit de priorités sociales telles que le logement, l’éducation, l’aide étrangère et le transport en commun.

Jack a constamment trouvé le moyen de travailler avec les autres partis politiques afin d’obtenir des résultats bénéfiques à la population dans des dossiers comme la création d’emploi, l’abordabilité, le temps d’attente pour les soins de santé et la lutte contre le changement climatique. En 2008, Jack joua un rôle de premier plan afin que le premier ministre présente des excuses officielles aux survivants des pensionnats indiens.

Restant fidèle à ses origines, Jack se fit un point d’honneur de répondre aux aspirations de la population québécoise durant son mandat de chef du NPD du Canada. C’est sous sa direction que le NPD fit une percée historique au Québec lors des élections fédérales de 2011 où il fit élire 59 députés. Cet exploit cimenta son statut de figure centrale de l’unité canadienne.

Le travail sur le terrain incessant de Jack Layton et les liens de confiance qu’il continua de tisser avec la population lors des élections de 2011 finirent par porter leurs fruits. Fort de la confiance que la population lui portait, à lui et à sa vision, Jack forma le parti d’opposition le plus important depuis 30 ans et fut le premier chef du NPD du Canada à devenir le chef de l’opposition officielle.

Le 25 juillet 2011, Jack annonça qu’il prenait temporairement congé de son poste afin de combattre un cancer qu’on lui avait récemment diagnostiqué.

Amour, espoir et optimisme

August 20, 2011
Toronto, Ontario

Chers amis,

Des dizaines de milliers de Canadiens m'ont fait parvenir des mots d'encouragement au cours des dernières semaines. Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour vos cartes, vos notes et vos cadeaux si magnifiques, si inspirants, si attentionnés. Vos bons sentiments et votre amour ont éclairé mon foyer et ont renforcé mon courage et ma détermination.

Malheureusement, mes traitements n'ont pas eu les effets escomptés. Je remets donc cette lettre à Olivia afin qu'elle la partage avec vous dans l'éventualité où je ne pourrais continuer. Je recommande que Nycole Turmel, députée de Hull-Aylmer, continue son travail à titre de chef intérimaire jusqu'à ce qu'une ou un successeur(e) soit élu(e).

Je recommande au parti de tenir un vote quant au leadership du parti le plus tôt possible dans la nouvelle année, en s'inspirant de l'échéancier de 2003, afin que notre nouveau ou nouvelle chef ait amplement le temps de reconsolider notre équipe, de renouveler notre parti et notre programme, et puisse aller de l'avant et se préparer pour la prochaine élection.

Quelques mots additionnels :

Aux Canadiens qui se battent contre le cancer pour continuer à profiter pleinement de la vie, je vous dis ceci : ne soyez pas découragés du fait que ma bataille n'ait pas eu le résultat espéré. Ne perdez pas votre propre espoir, car les thérapies et les traitements pour vaincre cette maladie n'ont jamais été aussi évolués. Vous avez raison d'être optimistes, déterminés et convaincus face à la maladie. Mon seul autre conseil est de chérir tous les moments passés auprès de ceux qui vous sont chers, comme j'ai eu la chance de le faire cet été.

Aux membres de mon parti : nous avons obtenu des résultats remarquables en travaillant ensemble au cours des huit dernières années. Ce fut un privilège d'être le chef du Nouveau Parti démocratique et je suis très reconnaissant pour votre confiance, votre appui et vos innombrables heures consacrées à notre cause. Il y a des gens qui vont essayer de vous convaincre d'abandonner notre cause. Mais cette dernière est bien plus grande qu'un chef. Répondez-leur en travaillant encore plus fort, avec une énergie et une détermination sans précédent. Rappelez-vous de notre fière tradition de justice sociale, de soins de santé universels, de régime de pensions publiques, et des efforts que nous faisons pour nous assurer que personne ne soit laissé pour compte. Continuons d'aller de l'avant. Démontrons dans tout ce que nous faisons au cours des quatre prochaines années que nous sommes prêts à servir les Canadiens en formant le prochain gouvernement.

Aux membres de notre caucus : j'ai eu le privilège de travailler avec chacun d'entre vous. Nos rencontres du caucus ont toujours été le moment fort de ma semaine. Cela a été mon rôle d'exiger le plus possible de votre part. Et maintenant je le fais à nouveau. Les Canadiens vous porteront une attention toute spéciale dans les mois à venir. Chers collègues, je sais que vous rendrez les dizaines de milliers de membres du NPD fiers en démontrant la même éthique de travail et la solidarité qui nous ont mérité la confiance de millions de Canadiens lors de la dernière élection.

À mes concitoyens québécois : le 2 mai dernier, vous avez pris une décision historique. Vous avez décidé qu'afin de remplacer le gouvernement fédéral conservateur du Canada par quelque chose de mieux, il fallait travailler ensemble, en collaboration avec les Canadiens progressistes de l'ensemble du pays. Vous avez pris la bonne décision à ce moment-là. C'est encore la bonne décision aujourd'hui et restera la bonne décision au cours des prochaines élections, lorsque nous réussirons, ensemble. Vous avez élu une superbe équipe de députés du NPD qui vous représenteront au Parlement. Ils vont réaliser des choses remarquables dans les années à venir afin de faire du Canada un meilleur pays pour nous tous.

Aux jeunes Canadiens : toute ma vie j'ai travaillé pour améliorer l'état des choses. L'espoir et l'optimisme ont caractérisé ma carrière politique, et je continue à être plein d'espoir et d'optimisme quant à l'avenir du Canada. Les jeunes Canadiens ont été une grande source d'inspiration pour moi. J'ai rencontré plusieurs d'entre vous et discuté avec vous de vos rêves, de vos frustrations, et de vos idées de changement. De plus en plus d'entre vous être impliqués en politique parce que vous voulez changer les choses pour le mieux. Plusieurs d'entre vous avez choisi de faire confiance à notre parti. Alors que ma carrière politique s'achève, j'aimerais vous transmettre toute ma conviction que vous avez le pouvoir de changer ce pays et le monde. Plusieurs défis vous attendent, de l'accablante nature des changements climatiques à l'injustice d'une économie qui laisse tant d'entre vous exclus de la richesse collective, en passant par les changements qui seront nécessaires pour bâtir un Canada plus solidaire et généreux. Votre énergie, votre vision et votre passion pour la justice sont exactement ce dont ce pays à aujourd'hui besoin. Vous devez être au coeur de notre économie, de notre vie politique, et de nos plans pour le présent et pour l'avenir.

Et finalement, j'aimerais rappeler à tous les Canadiens que le Canada est un magnifique pays, un pays qui représente les espoirs du monde entier. Mais nous pouvons bâtir un meilleur pays, un pays où l'égalité, la justice et les opportunités sont plus grandes. Nous pouvons bâtir une économie prospère et partager les avantages de notre société plus équitablement. Nous pouvons prendre mieux soin de nos aînés. Nous pouvons offrir à nos enfants de meilleures perspectives d'avenir. Nous pouvons faire notre part pour sauver l'environnement et la planète. Nous pouvons réhabiliter notre nom aux yeux du monde. Nous pouvons faire tout ça parce que nous avons enfin un système de partis politiques fédéraux qui nous offre de vrais choix; où notre vote compte; où en travaillant pour le changement on peut effectivement provoquer le changement. Dans les mois et les années à venir, le NPD vous proposera une nouvelle et captivante alternative. Mes collègues du parti forment une équipe impressionnante et dévouée. Écoutez-les bien, considérez les alternatives qu'ils proposent, et gardez en tête qu'en travaillant ensemble, nous pouvons avoir un meilleur pays, un pays plus juste et équitable. Ne laissez personne vous dire que ce n'est pas possible.

Mes amis, l'amour est cent fois meilleur que la haine. L'espoir est meilleur que la peur. L'optimisme est meilleur que le désespoir. Alors, aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde.

 

Chaleureusement,

Jack laissa un dernier message aux Canadiens le 22 août 2011, le jour même de son décès. Dans sa lettre, Jack nous appelle à transformer nos rêves et nos aspirations en réalité pour nous, mais aussi pour les générations à venir. Il finit avec ces mots pleins d’espoir :

Mes amis, l'amour est cent fois meilleur que la haine.
L'espoir est meilleur que la peur.
L'optimisme est meilleur que le désespoir.
Alors, aimons, gardons espoir et restons optimistes.
Et nous changerons le monde.